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10.5 CRYPTOSYSTÈMES

 

 

INTRODUCTION

 

Le principe du secret des données joue un rôle de plus en plus important dans notre société moderne car elle garantit le respect de la vie privée ainsi que la confidentialité des informations gouvernementales, industrielles ou militaires. Pour cela, il est nécessaire de crypter les données de telle sorte que si elles venaient à tomber entre les mains des fausses personnes, il soit impossible ou du moins très difficile de retrouver l’information originale sans que la méthode de cryptage soit compromise au préalable.

Durant l’encodage, les données originales sont transformées en données codées et lors du décodage, les données originales sont restaurées à partir des données cryptées. Si les données originales sont constituées de lettres de l’alphabet, on parle de texte en clair et de cryptotexte.

La description de la méthode utilisée pour effectuer le décryptage est appelée clé qui peut consister simplement en un nombre, une chaine de caractères numériques alphabétiques. Si la même clé est utilisée pour le codage et le décodage, on parle de système à clé symétrique. Si, en revanche, les clés de codage et de décodage sont différentes, on parle de méthode de cryptographie asymétrique (à clé publique).

CONCEPTS DE PROGRAMMATION:
Encodage, décodage, cryptographie symétrique/asymétrique, Chiffre de César, Chiffre de Vigenère, cryptage RSA, clé rivée/publique

 

 

CHIFFRE DE CÉSAR

 

D’après la tradition, Jules César (100 av. J.-C. - 44 av. J.-C.) utilisait déjà la méthode suivante dans ses communications militaires : chaque caractère du texte en clair était décalé dans l’alphabet d’un certain nombre de lettres en reprenant au début de l’alphabet une fois arrivé au bout.

Cette méthode utilisait deux anneaux imbriqués portant les lettres de l’alphabet. L’anneau intérieur était décalé d’un certain nombre de positions, ce qui constitue la clé de cryptage. Par exemple, si la clé vaut 3, le A sera codé par un D, le B par un E, le C par un F, le D par un G etc …

Le programme ci-dessous lit le message à crypter depuis un fichier texte pour permettre de le modifier et de le partager facilement. Il faut écrire le texte en clair à l’aide d’un éditeur de code standard dans le fichier original.txt qu’il faut sauvegarder dans le même dossier que le programme Python. Il faut restreindre le message original aux lettres capitales, aux espaces et aux retours à la ligne. On aura par exemple
 

ON SE RETROUVE AUJOURD HUI A HUIT HEURES
BISOUS
TANIA

La fonction encode(msg) encode la chaine de caractères msg du message issu du fichier texte. Elle procède en remplaçant chaque caractère original par le caractère crypté correspondant, excepté le caractère de retour à la ligne \n.

import string
key = 4
alphabet = string.ascii_uppercase + " "

def encode(text):
    enc = ""
    for ch in text:
        if ch != "\n":
            i = alphabet.index(ch)               
            ch = alphabet[(i + key) % 27]
        enc += ch
    return enc
    
fInp = open("original.txt")
text = fInp.read()
fInp.close() 

print("Original:\n", text)
krypto = encode(text)
print("Krypto:\n", krypto)

fOut = open("secret.txt", "w")    
for ch in krypto:
    fOut.write(ch)
fOut.close()      
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

Voici le texte crypté:

SRDWIDVIXVSYZIDEYNSYVHDLYMDEDLYMXDLIYVIW
FMWSYW
XERME

Le décodage est implémenté de façon analogue à part le fait que les caractères sont décalés dans l’autre sens

import string
key = 4
alphabet = string.ascii_uppercase + " "

def decode(text):
    dec = ""
    for ch in text:
        if ch != "\n":
            i = alphabet.index(ch)          
            ch = alphabet[(i - key) % 27]
        dec += ch
    return dec

fInp = open("secret.txt")
krypto = fInp.read()
fInp.close() 

print("Krypto:\n", krypto)
msg = decode(krypto)
print("Message:\n", msg)

fOut = open("message.txt", "w")    
for ch in msg:
    fOut.write(ch)
fOut.close()      
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

 

 

MEMENTO

 

Notez qu’il faut conserver tous les caractères d’espacement du cryptotexte, même s’ils se trouvent au début ou à la fin de la ligne. Il est clair que cette méthode de cryptage peut être compromise très facilement. La manière la plus simple consiste simplement à tester toutes les 26 clés possibles jusqu’à l’obtention d’un texte en clair en français.

 

 

CHIFFRE DE VIGENÈRE

 

Il est possible de renforcer le chiffre de César en appliquant un décalage alphabétique différent pour chacun des caractères du texte en clair. Cette substitution poly-alphabétique peut utiliser comme clé n’importe quelle permutation de 27 nombres. Il existe donc un nombre phénoménal de clés possibles, à savoir
   27! = 10'888'869'450'418'352'160'768'000'000 ≈ 1027

Il est cependant un peu plus aisé d’utiliser un mot secret auquel on fait correspondre une liste de nombres correspondant à la position de chacun de ses caractères dans l’alphabet. Ainsi, le mot secret ALICE correspond à la liste [0, 11, 8, 2, 4]. La clé de cryptage, de même longueur que le message à crypter, est construite à partir d’une juxtaposition répétée des décalages [0, 11, 8, 2, 4] correspondant au mot secret ALICE. Lors de l’encodage, les caractères du texte en clair sont décalés selon le nombre correspondant de la clé de cryptage

 

Blaise Vigenère (1523-1596)

L’illustration suivante permet de mieux comprendre le fonctionnement de la méthode de Vigenère:

import string
key = "ALICE"
alphabet = string.ascii_uppercase + " " 

def encode(text):
    keyList = []
    for ch in key:
        i = alphabet.index(ch)
        keyList.append(i)
    print("keyList:", keyList)
    enc = ""
    for n in range(len(text)):
        ch = text[n]
        if ch != "\n":
            i = alphabet.index(ch)  
            k = n % len(key)                
            ch = alphabet[(i + keyList[k]) % 27]      
        enc += ch
    return enc

fInp = open("original.txt")
text = fInp.read()
fInp.close() 

print("Original:\n", text)
krypto = encode(text)
print("Krypto:\n", krypto)
fOut = open("secret.txt", "w")    
for ch in krypto:
    fOut.write(ch)
fOut.close()     
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

 

 Le décodeur est à nouveau pratiquement identique à l’encodeur excepté le sens de décalage.

import string
key = "ALICE"
alphabet = string.ascii_uppercase + " " 

def decode(text):
    keyList = []
    for ch in key:
        i = alphabet.index(ch)
        keyList.append(i)
    print("keyList:", keyList)
    enc = ""
    for n in range(len(text)):
        ch = text[n]
        if ch != "\n":
            i = alphabet.index(ch)  
            k = n % len(key)                
            ch = alphabet[(i - keyList[k]) % 27]      
        enc += ch
    return enc

fInp = open("secret.txt")
krypto = fInp.read()
fInp.close() 

print("Krypto:\n", krypto)
msg = decode(krypto)
print("Message:\n", msg)
fOut = open("message.txt", "w")    
for ch in msg:
    fOut.write(ch)
fOut.close()      
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

 

 

MEMENTO

 

Le chiffre de Vigenère fut inventé au 16e siècle par Blaise de Vigenère et fut considéré comme très sûr pendant de nombreux siècles. Si quelqu’un entre en possession du cryptotexte et sait que la longueur du mot secret est 5, il lui faut néanmoins essayer systématiquement 265  = 11'881'376 clés différentes à moins qu’il connaisse une information supplémentaire au sujet du mot secret, comme le fait qu’il s’agit d’un prénom féminin.

 

 

CRYPTER À L’AIDE DE LA MÉTHODE RSA

 

Dans cette méthode dont le nom provient de celui de ses inventeurs, Rivest, Shamir et Adleman, on utilise une paire de clés, à savoir une clé privée et une clé publique. Il s’agit donc d’une méthode de cryptographie asymétrique.

 


Étape 1:
Le destinataire génère la clé privée ainsi que la clé publique et envoie cette dernière à l’expéditeur.

 

Étape 2:
L’émetteur encode son message grâce à la clé publique et envoie le texte crypté au destinataire.
 


Étape 3:
Le destinataire décode le message en utilisant sa clé privée.

Les clés publiques et privées sont générées en utilisant l’algorithme suivant basé sur des résultats de la théorie des nombres [plus...On en trouve une preuve élémentaire dans le livre Barth, Algorithmics for beginners, Springer-Verlag].

On commence par choisir deux nombres premiers p et q qui doivent comporter un très grand nombre de chiffres pour garantir la sécurité du cryptage. On multiplie ensuite ces deux nombres pour obtenir m = p*q. On sait de la théorie des nombres que l’indicatrice d’Euler φ(m) = (p-1)*(q-1) correspond au nombre d’entiers n inférieurs à m qui sont copremiers avec m (a et b sont dits premiers entre eux ou copremiers si et seulement si pgcd(m, n) = 1).

On choisit ensuite un nombre e inférieur à φ(m) tel que e et φ(m) sont premiers entre eux. La paire de nombres (m, e) constitue déjà la clé publique:

Clé publique: [m, e]

Voici un exemple de calcul de la clé publique pour les petits nombres premiers p = 73 et q = 15 :

m = 73 * 151 = 11023,    φ = 72 * 150 = 10800,    e = 11 (choisi copremier avec φ)

Clé publique: [m, e] = [11023, 11]

La clé privée est quant à elle formée de la paire de nombres:

Clé privée: [m, d]

d est en entier tel que (d * e) mod φ = 1.

(Puisque e et φ(m)sont premiers entre eux, l’identité de Bézout affirme que cette équation possède nécessairement au moins une solution).

On peut déterminer le nombre d à partir des valeurs de e et φà l’aide d’un simple programme qui va tester 100'000 valeurs pour d au sein d’une boucle:

e = 11
phi = 10800

for d in range(100000):
    if  (d * e) % phi == 1:
        print "d", d

On obtient ainsi plusieurs solutions : (5891, 16691, 27491, 49091, etc.). Comme il suffit d’une seule valeur pour déterminer la clé privée, la première rencontrée fait l’affaire.

Clé privée: [m, d] = [11023, 5891]

Dans le cas présent, il est très facile de déterminer la clé privée uniquement à cause du fait que l’on connaît les nombres premiers p et q et, de ce fait, la valeur de φ. Cependant, sans la connaissance de ces nombres, il faut une puissance de calcul énorme pour calculer la clé privée.

L’algorithme RSA est utilisé pour encoder des nombres. Pour encoder du texte, on utilise donc le code ASCII de chacun des caractères du message en clair qui sera crypté à l’aide de la clé publique [m, s] selon la formule

s = re (modulo m).

Le programme suivant écrit chacun des caractères encodés sur une nouvelle ligne dans le fichier secret.txt.

publicKey = [11023, 11]

def encode(text):
    m = publicKey[0]
    e = publicKey[1]
    enc = ""
    for ch in text:
        r = ord(ch)
        s = int(r**e % m)
        enc += str(s) + "\n"
    return enc

fInp = open("original.txt")
text = fInp.read()
fInp.close() 

print("Original:\n", text)
krypto = encode(text)
print("Krypto:\n", krypto)
fOut = open("secret.txt", "w")    
for ch in krypto:
    fOut.write(ch)
fOut.close()      
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

Le décodeur commence par charger ligne à ligne les nombres présents dans le fichier secret.txt pour les stocker dans une liste. Pour chacun des nombres présents dans cette liste, le nombre original est calculé à l’aide de la clé privée s selon la formule

r = sd (modulo m).

Ce nombre correspond au code ASCII du caractère original.

 

privateKey = [11023, 5891]

def decode(li):
    m = privateKey[0]
    d = privateKey[1]
    enc = ""
    for c in li:
        s = int(c)
        r = s**d % m
        enc += chr(r)
    return enc

fInp = open("secret.txt")
krypto = []
while True:
   line = fInp.readline().rstrip("\n")
   if line == "":
       break
   krypto.append(line)
fInp.close() 

print("Krypto:\n", krypto)
msg = decode(krypto)
print("Message:\n", msg)
fOut = open("message.txt", "w")    
for ch in msg:
    fOut.write(ch)
fOut.close()    
Sélectionner le code (Ctrl+C pour copier, Ctrl+V pour coller)

 

   
 

MEMENTO

 

Le gros avantage du code RSA réside dans le fait que l’émetteur et le récepteur n’ont pas besoin de procéder à un échange d’information secrète avant de procéder au cryptage. Au lieu de cela, le destinataire génère la clé privée et la clé publique et ne transmet que la clé publique à l’émetteur tout en gardant bien au chaud sa clé privée. L’émetteur va alors crypter son message à l’aide de la clé publique du destinataire en sachant que seul le destinataire sera capable de décrypter le message puisqu’il est le seul à disposer de la clé privée nécessaire à cette opération [plus... L’émetteur et le destinataire peuvent de ce fait très bien être reliés par un canal de communication qui n’est pas sûr tel que l’Internet ].

En pratique, on choisit de très gros nombres premiers p et q comportant des centaines de chiffres. Générer la clé publique ne nécessite que le produit m = p * q, ce qui est une banalité pour l’ordinateur. Si un pirate veut déterminer la clé privée à partir de la clé publique, il lui faut déterminer les nombres premiers originaux p et q à partir de m, ce qui revient à factoriser le nombre m en ses deux facteurs premiers. Or, la factorisation de très grands nombres premiers n’est à ce jour possible qu’en utilisant une puissance de calcul absolument colossale. On voit de ce fait que le cryptosystème RSA repose sur les limites de la calculabilité.

Il ne faut cependant jamais oublier qu’il n’existe en principe aucune méthode de cryptage parfaitement incassable. Heureusement, il suffit que l’opération de décryptage soit considérablement plus longue que la période de validité ou de pertinence de l’information pour que la méthode soit considérée comme étant suffisamment sûre.

 

 

EXERCICES

 

1.


Décoder le message crypté suivant:
OAL SHDXTKMJXSASTVVXHLSL XSAFNALTLAGF
UMLSASVTFSGFDQSUXSL XJXSTLSXAZ L
ZJXXLAFZK
XNXDAFX

Il s’agit d’un chiffre de César.

Remarque : Une solution efficace repose sur le fait que la lettre la plus fréquente en français est la lettre E. Il est cependant également possible de procéder en testant tous les décalages possibles.

2.

Faire une recherche sur le Web concernant le système de cryptage Skytale et implémenter un encodeur / décodeur basé sur ce principe.


3.

Expliquer en quoi le chiffre de César est un cas particulier de chiffre de Vigenère.

4.

Utiliser la méthode RSA pour générer une clé publique et une clé privée à l’aide de deux nombres premiers p et q tous deux inférieurs à 100 et procéder au cryptage / décryptage d’un message de votre choix